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ResMusica
— 15 janvier 2017
par Michèle Tosi

Le principe d’indétermination est au centre des préoccupations de Giuliano d’Angiolini. Compositeur né à Rome et vivant à Paris, il dit utiliser des procédés de tirages aléatoires dans ses compositions depuis 1997, regardant en cela vers John Cage – ses Time Brackets – et son fameux adage invitant à « laisser les sons être ce qu’ils sont ». Des six pièces de ce nouveau CD bien nommé Cantilena, quatre, les plus récentes, relèvent de procédés d’indétermination. Dans Motivetto (2009), qui referme l’album, le dispositif instrumental n’est pas déterminé.

À l’origine il y a le souffle et l’énergie qui le produit dans Aria del flauto eolico (2015), une pièce pour cinq flûtes que Manuel Zurria exécute seul, par re-recording : musique au bord du silence, dans lequel elle retombe périodiquement ; les sons émis sont à peine colorés et tissent une trame légère aussitôt effacée, laissant planer une aura mystique. Le concept est semblable dans Finale pour piano (2012) où le temps n’est pas compté et la constellation toujours nouvelle. Chaque

son amplifié par la pédale est un univers révélé à notre écoute, avec son attaque, son registre et l’éclat de sa résonance. Pour le piano également, Allegretto 94.6 (2002) renvoie à la pièce de Schubert op. 94 n° 6, ou plus exactement à son matériau harmonique que le compositeur a dénaturé et transfiguré : en le localisant dans l’extrême aigu du piano (dernière octave), là où, dit-il, le jeu avec la pédale de résonance évoque « des billes qui s’entrechoquent ». Sous les doigts de la pianiste Melaine Dalibert s’élève une sorte de carillon céleste s’égrenant sur un rythme quasi isomorphe.

Dans le quatuor à cordes Cantilena (2014) les instrumentistes (ceux du Quatuor Parisii) ne jouent jamais ensemble : sous chaque coup d’archet un grain, une durée, une vibration, aussi fragiles que furtifs, sont donnés à entendre dans leur plus simple appareil. La matière est raréfiée et érodée, le temps très étiré et le silence méditatif dans (suoni della neve e del gelo) (2014) dont les parenthèses du titre intriguent. Étranges également ces

vrombissements, raclements, sifflements… qui extrapolent les sonorités du quatuor à cordes et nous invitent à une expérience d’écoute singulière, attentive et intériorisée. L’amorce d’une polyphonie toujours éphémère peut parfois évoquer les sonorités du shō, l’orgue à bouche japonais.

Quant à la musique de Motivetto, elle est quasi imprévisible puisque ni les couleurs ni le geste instrumental n’en sont déterminés sur la partition. La version pour violoncelle, saxophone et piano de cet enregistrement (Benjamin Boiron, Baptiste Boiron et Melaine Dalibert) en fixe une possible réalisation sonore, aussi sensuelle qu’arachnéenne : « J’essaie d’aller vers l’essentiel et je fais le moins possible » écrit d’Angiolini, dans des termes invoquant une quête spirituelle qui puise aux sources de la pensée bouddhiste.

Le détail d’un pagne pygmé sur la pochette du CD exprime autrement ce goût avoué et cette recherche obstinée de la sobriété et de la discrétion, chez un compositeur qui, rappelons-le, est aussi ethnomusicologue.